Certains joueurs me demandent si ils peuvent participer à un tournoi de mahjong (par exemple celui de Paris en décembre prochain). La plupart des tournois n’imposent pas de condition de niveau pour participer, il n’y a donc pas de référentiel pour savoir si l’on a sa place dans un tournoi ou pas. Je vous propose dans cet article mon ressenti personnel, qui donc n’engage que moi.
Le fait qu’il n’y ait pas d’interdiction formelle à certaines catégories de joueur ne veut pas dire qu’il soit judicieux de participer à un tournoi, autant pour soi que pour les autres. Personnellement je ne trouve pas que le niveau de jeu soit vraiment important, après tout il faut un gagnant et un perdant à chaque tournoi, et on y participe pour se mesurer à d’autres. Jouer dans un contexte compétitif contre des joueurs plus forts que soi est d’ailleurs une bonne façon de progresser. Je prendrais plutôt comme critère sa capacité à jouer « normalement », c’est-à-dire à participer à une partie de manière naturelle. Je dirais donc que plus que le niveau de jeu, c’est l’aisance qui doit être prise en compte, puisque les tournois s’adressent à des personnes qui savent jouer et ne sont pas des lieux d’apprentissage.
Le premier aspect est la vitesse. Beaucoup de parties sont jouées pendant un tournoi, et elles sont en temps limité, donc jouer avec des joueurs excessivement lents est insupportable. Les règles européennes dites EMA proposent une limite de temps, de 5 secondes pour jouer son tour et de 3 secondes pour voler une tuile. Cette limite est absurde, d’une part car elle n’est pas mesurable de façon objective, le mahjong ne se jouant pas avec des horloges d’échecs ; et d’autre part parce qu’il peut arriver qu’une main soit réellement complexe et que prendre son temps soit justifié. Cela étant, je pense que 5 secondes pour jouer un coup est un bon objectif. En gros, la défausse doit suivre la pioche de façon fluide. La meilleure façon d’y arriver est de préparer son coup avant de piocher, en se disant « si je pioche telle tuile je défausse celle-ci, si je pioche telle autre je défausse celle-là », pour être réactif. Je pense qu’un bon exemple est le système de temps du jeu en ligne Tenhou, qui impose aux joueurs de jouer relativement rapidement tout en leur laissant la possibilité de prendre leur temps quelques fois par partie.
J’ai parlé de la vitesse pour jouer, mais il y a aussi la vitesse pour compter les points. Les joueurs expérimentés annoncent la valeur de leur main au moment où ils déclarent la victoire, c’est comme ça que le mahjong se joue au Japon. Pour y arriver, ils connaissent les tables de points et comptent dans leur tête dés qu’ils sont tenpai, ce n’est pas donc qu’ils calculent instantanément mais qu’ils se préparent à l’avance. En Europe ce n’est pas la norme. Je pense que c’est une pratique qu’il faut encourager et j’invite tout un chacun à apprendre. Cela étant, d’une part cela demande du temps, et d’autre part il semble absurde de se l’imposer alors que les autres joueurs, dans leur grande majorité, en sont incapables. Je conseillerais donc aux joueurs désirant participer à des compétitions de s’inscrire s’ils savent compter en un temps raisonnable en s’aidant d’une feuille de points, tout en s’attelant à apprendre à compter de tête, la feuille de points n’étant qu’un pis-aller en attendant. En revanche, la connaissance des yakus me semble impérative, et la feuille de combinaisons ne doit être qu’un aide-mémoire. À défaut d’annoncer la valeur exacte de leur main, les joueurs devraient être capables d’annoncer eux-mêmes les yakus qui la composent.
La vitesse de jeu étant couverte, reste la façon de se comporter à une table. Pour cela j’invite les joueurs à consulter l’article sur les bonnes manières au mahjong ici (et en particulier concernant les vols de tuile : annoncer de façon claire et montrer les tuiles de sa main avant de prendre la tuile convoitée). Petite mise en garde : en Europe l’étiquette est très peu respectée, et d’ailleurs assez peu connue. Vous verrez donc des joueurs faire des choses grossières qui peuvent parfois même sembler intolérables. Il me semble préférable de montrer l’exemple afin de faire progresser les choses dans le bon sens que de se dire que de toute façon puisque tout le monde le fait, pourquoi pas nous.
Le dernier aspect pour pouvoir jouer aux règles européennes est de les connaître. Les règles varient toujours un peu d’un lieu à l’autre mais il y a des familles de règles, et les joueurs qui jouent au club Chuuren potos Marseille ou qui ont appris sur internet pratiquent pour la grande majorité des règles appartenant à la famille « ari-ari », qui sont différentes des règles pratiquées en Europe (règles EMA, qui ne sont d’ailleurs pratiquées qu’ici). Voici par ordre d’importance les différences principales. Il se peut qu’il y en ait de petites qui m’aient échappé, mais elles ne devraient pas poser de problème ; les joueurs souhaitant être vraiment carrés peuvent se référer au document officiel disponible sur le site de la FFMJ.
Comptage des points
Dans les règles européennes, on ne compte pas les points avec des bâtonnets mais avec un papier et un stylo. Il peut être préférable de s’y essayer une fois avant de participer à un tournoi, ce système étant relativement lourd (il nécessite d’ailleurs régulièrement l’intervention d’un arbitre pour rectifier les erreurs de calcul). De plus, les joueurs ne partent pas avec un capital de points donné (25 000 par exemple) mais tout le monde part de zéro. Il n’y a donc pas de système de banqueroute puisque au moins un des joueurs se retrouvera négatif dés la première manche, inutile donc d’appliquer des stratégies consistant à éliminer un joueur rapidement pour arrêter la partie quand on est en tête. L’autre conséquence est qu’on peut déclarer riichi quel que soit l’état de ses finances.
« Bâtons de riichi »
Les points ne sont pas comptés avec des bâtons, on l’a vu. On pourrait donc se dire qu’il n’est pas nécessaire de poser de bâton de 1000 points sur la table quand on déclare riichi. Pour une raison obscure (l’envie d’avoir l’impression de jouer « comme les japonais » ?) il faut quand même poser un bâton d’apparence semblable aux bâtons de 1000 points, et qui est généralement appelé « bâton de riichi » puisque son seul usage est d’être lancé sur la table lorsque l’on déclare riichi. Même chose pour les marqueurs qui comptent l’inflation.
Déroulement de la partie
- tanyao (tout simples) ne peut être compté que si la main est fermée
- il est autorisé de défausser une tuile identique ou en tierce après avoir fait chii (si par exemple on vole un 5 pour compléter deux tuiles 3-4, il est autorisé de défausser un 2 ou un 5)
- l’état de furiten temporaire est annulé en cas de vol de tuile par un autre joueur
- s’il y a 5 renchans (marqueurs d’inflation) en jeu, il faut deux yakus pour qu’une main soit valide
- daisūshii (quatre grands vents) est un double yakuman
- l’uma est de +30/+10/-10/-30
- le reste des règles « avancées » est identique, il est donc conseillé si on ne l’a jamais fait d’aller les consulter ici (en particulier les cas d’annulations de partie)
Si vous avez lu cet article jusqu’au bout, c’est que vous êtes réellement intéressé pour participer à un tournoi. Si c’est le cas, je vous rappelle que cet article ne vous propose que des conseils selon mon ressenti pour vous aider à y voir plus clair, au final c’est à vous de faire comme vous le sentez. Si vous aimez suffisamment le mahjong pour vous poser ces questions, vous pourrez probablement mettre ces conseils en pratique assez simplement, au fil de vos parties, naturellement.
Dans tous les cas, le point le plus important est d’user de votre bon sens et de votre fair-play, et tout devrait bien se passer ! Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bonne chance, ou comme on dit en japonais, ganbatte !