Quand on commence à jouer au mahjong japonais on se rend très vite compte qu’il est très important de défendre, c’est à dire d’éviter de payer des mains aux autres joueurs, selon le principe qu’un sou économisé est un sou gagné. Mais si l’idée est simple, la mise en pratique ne l’est pas toujours autant.
Le cas le plus basique est lorsqu’un autre joueur a déclaré riichi. Le danger est évident et incite donc à la défense. La façon la plus évidente de défendre est de jeter des tuiles présentes dans la défausse du joueur dangereux, puisqu’il lui est interdit de réclamer une de ces tuiles pour gagner. Cela étant, ce n’est pas toujours ce qu’un joueur décide de faire, soit parce qu’il n’a pas en se possession une de ces tuiles, soit parce qu’il en a besoin pour faire progresser sa main et qu’il n’est pas prêt à abandonner l’idée de remporter la donne (ce qu’on appelle betaori). Que le choix soit imposé par les circonstances ou volontaire, il va quand même falloir défausser une tuile, et dans ce cas il est intéressant de limiter les dégâts en identifiant une ou des tuiles sur lesquelles notre adversaire a peu de chance de gagner, des tuiles que l’on considère relativement sûres.
Jusque là pas de difficulté, ces considérations théoriques selon lesquelles il vaut mieux faire quelque chose de pas très dangereux que quelque chose de très dangereux relèvent plus ou moins du bon sens (encore que, parfois, on se demande…) En revanche, quand il s’agit d’identifier les tuiles qui sont potentiellement sûres, les joueurs débutants se retrouvent souvent démunis. Il existe des outils théoriques sur lesquels se baser (suji, kabe, etc.), mais les joueurs dont on parle n’en ont pas forcément connaissance, et d’ailleurs n’auraient pas forcément une aisance suffisante dans le jeu pour les mettre en pratique. Ils en sont donc réduits à baser leur réflexion sur leur instinct, et bien souvent ils font tous une erreur, la même, qui les mets dans l’embarras. Je me souviens avoir commis cette erreur lors de mes premières parties et m’être dit que la défense semblait difficile voire de la fumisterie, et j’aurais bien aimé qu’on me mette en garde.
Cette erreur de débutant, la voici : partant du principe que la tuile que l’adversaire a jeté pour déclarer riichi lui est inutile (puisqu’il a choisi de s’en débarrasser), on pense souvent instinctivement que cette inutilité s’applique aux tuiles adjacentes. Si par exemple un joueur déclare riichi sur un 5, le 4 et le 6 de la même famille vont souvent être défaussées par les autres joueurs dans une optique de défense. Or, c’est exactement l’inverse qu’il faut faire ! Ce qu’il fallait voir, ce n’est pas que l’adversaire n’avait pas besoin du 5, mais bien qu’il l’a gardé jusqu’au dernier moment. Cela veut dire que ce 5 avait du potentiel, et donc que potentiellement il pourrait y avoir un groupe en formation dans cette zone. Il se peut par exemple que le joueur ait eu en sa possession une forme 455 qui pouvait se compléter avec un 3 ou un 6 pour former une suite mais aussi un 5 pour former un brelan, et que parvenu au tenpai il ait choisi de jeter le 5 pour privilégier la meilleure attente. On voit que les tuiles proches du 5, le 3 et le 6, sont ses tuiles gagnantes.
Ne vous laissez donc pas avoir par vos instincts : les tuiles qui entourent la tuile défaussée lors de la déclaration de riichi sont les plus dangereuses. Tout ce qui se situe dans un intervalle de deux tuiles avant et après la tuile de déclaration de riichi est au contraire de ce qu’imaginent beaucoup de joueurs plus dangereux que le reste ! Toujours dans l’exemple où un joueur a défaussé un 5, les tuiles entre 3 et 7 de la même famille présentent un risque particulièrement élevé. À moins que vous ayez d’autres informations concrètes qui indiquent le contraire, évitez donc de défausser ces tuiles pour contrer une déclaration de riichi ! Résignez-vous à ne jeter que des tuiles sûres à 100 %, et si ça n’est pas possible jetez autre chose. Et si vous avez le temps vous pouvez essayer d’en apprendre plus sur les techniques de défense, soit sur internet (surtout en anglais malheureusement, petite liste ici) ou bien en demandant à des joueurs ayant plus d’expérience quelles sont leurs astuces !
Merci Simon!
Petite question complémentaire que doit-on penser d’une défausse où une famille est manquante avec un mélange des deux autres familles et d’honneurs. Est-ce que toutes les tuiles de cette famille manquante sont dangereuses et particulièrement de 3 à 7.
Effectivement, si on voit qu’une famille est totalement absente de la défausse d’un joueur, cela peut indiquer un honitsu (semi-pure) ou chinitsu (main pure). Et effectivement les tuiles de 3 à 7 sont plus dangereuses puisqu’elles sont plus combinables. Une défausse de 5 rouge est à proscrire. Mais comme toujours, rien n’est jamais sûr, voici donc des symptômes qui peuvent venir concourir à cette évaluation du danger (j’en oublie sûrement) :
-défausse tardives d’honneurs depuis la main (cela veut dire que le joueur avait gardé des honneurs uniques au cas où)
-défausse en début de donne de tuiles centrales dans les autres familles (le joueur s’est déjà décidé)
-dora dans la famille suspectée (cela a pu inciter le joueur à franchir le pas)
-le joueur a volé des tuiles de cette famille ou un brelan d’honneurs —en particulier s’il s’agit d’un honneur qui ne donne pas de yaku puisque ça veut dire que le joueur a une autre possibilité de yaku en tête
-peu de tuiles de cette famille visibles (elles sont bien quelque part, et plus la pioche se désemplit plus il y a de chances qu’elles soient dans la main des autres joueurs)
Mais quand un joueur déclare riichi avec un honneur , toutes les familles sont suspectés (en début de partie)?Donc s’est presque impossible que les autre joueurs défausse des tuiles 100% sure.
En fait, ça n’est pas « presque impossible », c’est impossible tout simplement ;-)
Les seules tuiles sûres à 100 % sont les tuiles que le joueur a déjà défaussé ou qui ont été défaussées après sa déclaration de riichi, et bien sûr les tuiles avec lesquelles il est impossible de former une main (mais il y en a généralement peu).
Et effectivement, une déclaration de riichi en début de donne, et en particulier avec un honneur, est le cas le plus difficile, où on est obligé de prendre un risque important.
Pour rebondir sur le cas d’un riichi précoce, il y a moins de tuiles sûres mais on peut imaginer que la main ne vaut pas beaucoup de points, puisque l’adversaire n’a pas eu le temps de la construire. On peut donc prendre un peu plus de risques.
Et pour la liste des symptômes :) précédemment évoquée, on peut ajouter la défausse d’un 5 rouge ou d’un tigre d’une autre famille. Quand on a un 5 rouge ou un dora, on fait tout pour l’intégrer à la main. C’est parfois impossible. Mais quand on fait honitsu ou chinitsu dans une autre famille, c’est toujours impossible. Alors on se défausse des 5 rouges et des doras…